Ces dernières années, plusieurs mesures ont été prises en France pour encadrer la location saisonnière et parmi celles-ci, le principe de compensation, instauré dans plusieurs villes, fait débat. Mais de quoi s’agit-il concrètement ? Décryptage avec notre conciergerie YourHostHelper de La Grande-Motte.
Le principe de compensation, ennemi de la location saisonnière ?
Depuis quelques années en France, plusieurs villes faisant face à une pénurie de logements luttent contre les abus liés aux locations saisonnières et souhaitent réguler le marché locatif à courte durée. C’est par exemple le cas au Pays basque, où l’on grogne contre la location saisonnière. La pratique a connu un véritable boom au cours des dernières années, selon l’Agence d’urbanisme Atlantique et Pyrénées qui a constaté une augmentation de plus de 130% du nombre de meublés de tourisme entre 2016 et 2020.
Le président de la communauté d’agglomération du Pays basque, Jean-René Etchegaray, explique : « Sans intervention publique et au vu du rythme observé actuellement, nous aurions atteint les 37 000 meublés de tourisme en 2026 ». En septembre 2022, ce nombre était évalué à 16 000 dans les 24 communes du Pays basque ayant mis en place une réglementation plus sévère et difficilement applicable pour les propriétaires : le principe de compensation.
La justice a autorisé mi-septembre la communauté d’agglomération du Pays basque à mettre en place cette obligation, afin de lutter contre l’expansion des logements en location saisonnière, déséquilibrant, selon les communes, le marché de la location et empêchant de nombreux habitants de s’installer à l’année.
Location AirBNB et compensation : l’analyse de YourHostHelper La Grande-Motte
Le Pays basque n’est pas le seul territoire concerné par les pénuries de logements. De nombreuses autres villes à travers la France connaissent les mêmes problèmes et tentent de mettre en place des mesures pour rééquilibrer le marché locatif et récupérer des logements pour les gens souhaitant louer sur le long terme.
Angélique Michel, directrice de la conciergerie YourHostHelper de La Grande-Motte, détaille le fonctionnement de cette nouvelle règle : « la compensation est un mécanisme réglementaire qui consiste à obliger les propriétaires voulant louer de manière permanente un meublé de tourisme de type AirBNB à produire un nouveau logement de surface équivalente et situé dans la même commune ».
Les règles du mécanismes de compensation
Au Pays basque, ce mécanisme a été mis en place le 5 mars 2022 dans 24 communes considérées comme étant en zone « tendue ». Dans ces communes comme dans les autres villes concernées par la règle, un propriétaire souhaitant transformer son logement en meublé de tourisme doit au préalable demander une autorisation de changement d’usage auprès de la mairie. Cette autorisation n’est accordée que si le propriétaire compense, c’est-à-dire qu’il transforme un local qui n’est pas destiné à la location en logement à l’année. Ainsi, pour un nouveau meublé touristique, un nouveau logement est créé. Le nombre de logements disponibles à l’année sur la commune ne bouge donc pas.
« Les propriétaires ne peuvent cependant pas louer n’importe quoi, précise Angélique Michel. Le nouveau logement doit être décent, être situé dans la même commune et avoir au moins la même surface ». Il n’est donc pas possible de créer un logement dans une commune voisine, tout comme il n’est pas possible de transformer un local commercial situé en rez-de-chaussée pour ne pas nuire au petit commerce.
Le secteur de la location saisonnière contre-attaque
Seulement, dès l’adoption de la règle de la compensation, des collectifs de propriétaires et de sociétés de conciergerie déposent des recours devant les tribunaux administratifs locaux. Ces derniers dénoncent des mesures jugées trop restrictives, pointant notamment du doigt un « doute sérieux » quant à la légalité des mesures. Au Pays basque par exemple, le tribunal a ainsi donné raison au collectif de requérants le 3 juin, demandant aux élus du locaux de revoir leur règlement pour en proposer une version ajustée.
Ainsi, début juillet, après avoir suivi les observations formulées par les juges, la Communauté d’agglomération du Pays basque a proposé une version revue et corrigée du règlement, notamment pour introduire une « meilleure proportionnalité » face à la « rareté voire l’inexistence de locaux éligibles à la compensation » soulignée par les juges. Ainsi, on retrouve dans les nouvelles mesures la possibilité d’acheter des « droits de commercialité » pour les propriétaires auprès d’autres, pour récupérer des locaux. La règle empêchant les locaux commerciaux d’être loués a également été assouplie, afin de permettre aux locaux commerciaux dont la vitrine ne donne pas sur le domaine public d’être transformés eux aussi.
Vers une régulation du marché de la location saisonnière en France
Les logements en résidence principale dont la totalité est placée en location à courte durée sont limités à 120 jours de location durant l’année civile. Si seulement une partie du logement (ou une chambre sans accès indépendant par exemple) vient à être louée, il n’y a aucune limitation. En revanche, si le bien est une résidence secondaire et que la partie louée est issue d’une division de la résidence principale, ou bien une annexe, il est possible de bénéficier d’une autorisation temporaire avec changement d’usage, mais sans besoin de compensation.
Concernant les locations étudiantes, le principe est le même. Elles doivent être louées 9 mois par an à un étudiant, puis 3 mois durant l’été à des saisonniers (le logement devient donc un meublé touristique). Le changement d’usage permet de louer occasionnellement un bien dans une limite de 120 jours par an. Cette demande se fait en mairie et est obligatoire et permet de transformer des locaux destinés à l’habitation pour un autre usage, comme la location touristique à courte durée.
La nouvelle version de cette obligation de compensation vient d’entrer en vigueur, le 1er mars 2023. Toutefois, le combat juridique entre la communauté d’agglomération basque et les requérants n’est pas terminé. Après la suspension de la mesure, une audience sur le fond, sur le contenu et même sur la légalité de la mesure doit avoir lieu dans les prochains mois.
Pour Angélique Michel, directrice de la conciergerie de La Grande-Motte, « le principe de compensation est une règle intéressante pour endiguer la pénurie de logements pour les habitants. Il est compréhensible que les communes souhaitent se protéger et éviter de perdre leur population. Il faut toutefois veiller à ce que les mesures adoptées ne soient pas trop strictes, sinon elles auront l’effet inverse : les propriétaires de locations saisonnières risqueraient de déserter la commune et partir ailleurs ».
Locations AirBNB et compensation : tout le monde y gagne
De nombreuses villes ont adopté le mécanisme de compensation parmi leurs règlements liés à AirBNB et aux locations saisonnières. Leur but n’est pas de nuire au développement de cette activité mais bien de réguler le marché afin d’éviter une trop forte hausse des prix de l’immobilier à l’échelle locale, tout en conservant un certain nombre de biens en location à courte durée afin d’attirer les touristes. Bien que difficile à mettre en place dans toutes les communes concernées, le principe de compensation fait partie des mesures qui permettront, à terme, de trouver un équilibre et de satisfaire tout le monde. Les communes disposeront de logements pour accueillir de nouveaux arrivants et les propriétaires pourront continuer à louer leurs meublés touristiques tout au long de l’année.