Le tribunal administratif a rendu sa décision le mardi 24 janvier dernier : l’arrêté « anti-AirBNB » a été suspendu. Ce dernier consistait à limiter le nombre de locations saisonnières meublées pour les touristes sur le secteur de la Rochelle. Notre conciergerie à La Rochelle vous explique en détail en quoi consiste cet arrêté et quels sont les enjeux autour de celui-ci.
Un arrêté « anti-AirBNB », pour quoi faire ?
Face à la forte augmentation de logements en location de courte durée, l’agglomération de la Rochelle a voulu sévir et durcir les règles, en instaurant des limitations strictes : l’arrêté stipule qu’il est interdit de louer des logements de moins de 35 mètres carrés, que la ville préfère réserver aux locations étudiantes et aux jeunes actifs, et ce durant toute l’année. Il est également impossible de posséder plus de deux biens en location saisonnière.
Cette délibération a été votée le jeudi 20 octobre 2022 par le Conseil communautaire de la Communauté d’agglomération de la Rochelle et doit s’appliquer à partir de juin 2023. Le but premier de cet arrêté, selon la commune, est de favoriser l’offre de logements à l’année pour la population permanente. En effet, comme l’indique Marie Nédellec, l’élue porteuse du projet, « il y a une urgence à agir pour réguler les meublés de tourisme sur la Rochelle. Il y a une réelle pénurie de logements. La situation est devenue urgente et on doit trouver des solutions ».
L’agglomération souhaite rétablir un équilibre entre attractivité, solidarité pour les habitants et développement touristique et économique. La Rochelle a constaté, comme beaucoup d’autres villes, une forte augmentation du nombre de logements destinés à la location saisonnière. Ce grand nombre de demandes offre des retombées économiques conséquentes mais engendre une pénurie de logements pour les habitants.
Dès 2019, l’agglomération de La Rochelle a été une des premières villes à encadrer la location des meublés de courte durée dans une zone délimitée et dans laquelle la situation est tendue, en instaurant un numéro d’enregistrement unique et une autorisation de changement d’usage temporaire, délivrée dans la limite de trois hébergements par propriétaire et pour une durée de trois ans.
L’objectif de cet arrêté était, selon l’agglomération, qu’une partie des logements touristiques puissent revenir sur le marché de la location à l’année, pour les familles, les étudiants ou encore les jeunes actifs qui souhaiteraient s’installer en résidence principale à la Rochelle.
La location saisonnière fait grincer des dents
Dès son passage en délibération en octobre dernier, l’arrêté n’avait pas fait que des heureux, notamment du côté de l’Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) qui rassemble les principaux acteurs de la location de vacances tels que Abritel, AirBNB, Leboncoin, HomeToGo ou encore CléVacances.
L’association avait pointé du doigt plusieurs mesures votées, notamment l’interdiction aux propriétaires de louer des logements de moins 35 mètres carrés, en émettant de sérieux doutes sur la légalité d’une telle mesure. L’UNPLV estimait que « cette mesure constitue une atteinte disproportionnée à plusieurs principes constitutionnels et du droit européen, tels que le droit de propriété et la liberté de prestation de service ».
De plus, la structure avait prévenu que « dans ces conditions, cette nouvelle réglementation risque de susciter des contentieux locaux initiés par les hébergeurs et les acteurs locaux de la location meublée touristique ». Des recours ont ainsi été déposés, sans surprise au vu des enjeux financiers de la location saisonnière pour les propriétaires.
C’est finalement l’UNPI 17, la chambre syndicale des propriétaires de la Charente-Maritime, qui a déposé un recours en référé pour faire suspendre l’arrêté adopté par l’agglomération rochelaise. L’UNPI 17, par la voix de son avocat Victor Steinberg, conteste la pénurie de logements dans le centre-ville de La Rochelle : « on n’est pas du tout dans un phénomène de perte de contrôle, comme l’affirme la communauté d’agglomération ».
La chambre syndicale conteste également le principe de compensation, adopté dans le centre-ville, l’un des quartiers les plus tendus. Il consiste en l’obligation pour un propriétaire de meublé de tourisme de mettre en location à l’année un autre bien, local commercial, ou garage, sous peine de ne plus pouvoir exercer son activité touristique.
La compensation consiste à transformer en logement des locaux non dévolus à l’habitation (bureau, commerce…). Cette compensation permet ainsi de reconstituer la « perte » d’un logement par la création d’un autre logement. Ce local doit être de surface au moins équivalente à celui faisant l’objet d’une location saisonnière et être situé dans la même commune. Une autorisation dite « de changement d’usage » est alors délivrée.
Quelles suites pour l’arrêté “anti-AirBNB” ?
Marie Nédellec, l’élue rochelaise qui défend le projet, justifie : « tout ce cadre de la compensation, ce n’est pas nous qui le définissons, c’est la loi ». Concernant la pénurie, elle avance que « l’ensemble des documents que nous avons produits démontre cette pénurie de logements ». Enfin, l’élue rochelaise défend le droit au logement : « nous avons beaucoup d’habitants qui ont du mal à se loger aujourd’hui ».
L’UNPI 17 a finalement eu gain de cause avec la suspension provisoire de l’arrêté par le tribunal administratif. Les différents protagonistes de l’affaire espèrent que cette suspension permettra l’ouverture d’un débat afin d’affiner les contours de cette délibération pour trouver le meilleur compromis possible. Le jugement final sera rendu en fin d’année, après l’étude du recours déposé sur le fond du dossier.
Eva Roger, directrice de notre conciergerie de La Rochelle, ne pense pas que l’arrêté aura un réel impact négatif sur les locations saisonnières : “à mon avis, il y aura toujours beaucoup de logements en gestion locative, l’arrêté permettra surtout d’éviter les abus et d’encadrer un peu plus les locations en courte durée. Cela peut avoir beaucoup de retombées positives pour notre marché”.
D’autres villes luttent contre les locations saisonnières
La Rochelle n’est pas la seule ville à dénoncer des problèmes de logement. L’île de Ré par exemple, qui compte elle aussi une conciergerie YourHostHelper membre de notre réseau de franchises, fait face à une pénurie de logements. La Communauté de communes (CDC) de l’île de Ré assure être « débordée par les locations saisonnières de courte durée ». Tout comme les élus rochelais, ceux de l’île de Ré envisagent sérieusement d’imposer des lois pour réglementer les locations à partir du printemps 2023. Les habitants ont été consultés en fin d’année 2022 et une décision doit être prise prochainement.
Non loin de là, la commune vendéenne des Sables-d’Olonne a quant à elle imposé des quotas de locations touristiques de courte durée, de 1,5% à 10% maximum selon les quartiers. Le but : lutter contre l’augmentation exponentielle des biens en location saisonnière. Enfin, la commune de Bayonne, au Pays basque, a réussi à mettre en place son arrêté anti-AirBNB après des mois de combat juridique. Alors que son arrêté avait été suspendu au mois de juin, celui-ci a été repris et précisé pour rentrer dans les clous. Mais comme dans le cas de la Rochelle, une audience sur le fond doit avoir lieu au cours des prochains mois. Du côté de la Rochelle, l’élue Marie Nédellec ne perd pas espoir : « Il y a eu une affaire similaire à Bayonne et aujourd’hui, l’arrêté est appliqué dans la ville ». La réponse finale sera donnée d’ici quelques mois.
L’agglomération n’est pas totalement contre les locations saisonnières
La Rochelle est nullement fermée à continuer d’accueillir des touristes au sein des locations à courte durée. “On souhaite simplement que ce soit encadré et éviter les abus”, avance Marie Nédellec. Le secteur étant en plein essor, de nombreux propriétaires sont intéressés et investissent dans la commune.
Du côté des propriétaires, on craint une répression trop stricte alors que des solutions beaucoup plus simples peuvent être trouvées, sans tomber dans des mesures trop strictes qui atteignent les droits fondamentaux comme le droit à la propriété. Quoi qu’il en soit, les deux parties espèrent trouver un terrain d’entente pour rétablir un certain équilibre : en évitant la pénurie de logements à l’année, tout en gardant un parc de logements saisonniers intéressant et attrayant.