Depuis le début de l’année 2023, les prix de l’immobilier ont chuté en France. Quelles sont les raisons et est-ce que cette baisse va durer ? Eléments de réponse avec Françoise Calabro, directrice de l’agence YourHostHelper de Grenoble.
Vous en avez très certainement entendu parler, les prix de l’immobilier s’effondrent en France sur les mois de janvier et février 2023, perdant jusqu’à 2% dans certaines villes. Une tendance déjà initiée à la fin de l’année 2022 mais qui s’accélère en 2023, inquiétant de nombreux spécialistes du marché. Françoise Calabro, directrice de la conciergerie YourHostHelper de Grenoble, avance quelques éléments : « la crise économique frappe tout le monde de plein fouet. La pandémie, la guerre en Ukraine, l’inflation, les temps sont durs. L’immobilier est forcément impacté. Le pouvoir d’achat est en baisse et les taux d’intérêt augmentent ».
Les prix de l’immobilier baissent aux quatre coins de la France
Selon Meilleurs Agents qui a publié une étude sur le début de l’année 2023, Paris fait partie des nombreuses villes à avoir connu une baisse des prix sur le début de l’année 2023, avec une baisse d’environ 0,4%. C’est d’ailleurs l’ensemble du top 10 des villes françaises qui connaît un recul des prix. Lyon et Nantes sont les villes les plus touchées (2% en seulement deux mois), viennent ensuite Lille (0,7%), Montpellier (0,6%) et Marseille (0,4%). Bordeaux est la seule ville à conserver un prix stable, et une seule ville connaît une hausse des prix : Nice (0,7%).
Les zones rurales, qui selon Meilleurs Agents « jouaient le rôle de locomotives du marché depuis le début de l’épidémie de coronavirus », connaissent également une chute importante (-0,4%). La tendance est donc générale, et concerne une vaste partie du territoire, des grandes villes aux campagnes, en passant par les communes de taille moyenne et les zones périurbaines. C’est l’ensemble du marché français qui est concerné par la crise du logement.
Les prix risquent de continuer à baisser dans les prochains mois, comme le décrit Françoise Calabro de l’agence AirBNB de Grenoble : « la baisse des prix est principalement liée à l’augmentation des taux d’intérêt, ce qui influe sur le prix de l’immobilier car les emprunteurs se retrouvent avec une capacité d’endettement réduite ». Résultat, le nombre de transactions est en baisse sur l’ensemble du territoire, avec une chute de presque 6%. Pour Françoise Calabro, il ne faut pas voir que du négatif : « la baisse des prix face à l’augmentation des taux d’intérêt peut permettre de débloquer le marché de l’immobilier et de le relancer ».
Acquérir un bien immobilier : mission impossible ?
Le principal facteur de la baisse des prix de l’immobilier en France est la hausse des taux d’intérêt. Cette augmentation tire les prix vers le bas et oblige les acquéreurs à s’endetter plus lourdement : de 1% en janvier 2022, le taux moyen sur une durée de remboursement de 20 ans se situe désormais à 3%. Un crédit immobilier à 200 000 euros coûterait aujourd’hui 66 207€ d’intérêts, contre 20 741€ à la fin de l’année 2021. Les capacités d’emprunt ont réduit de presque 15%, tout comme le pouvoir d’achat qui a également perdu 15%. La banque de France estime que les emprunteurs ont perdu une surface de 12 mètres carrés entre décembre 2021 et janvier 2023.
« Personne n’avait anticipé une baisse des prix du marché il y a encore quelques semaines » se souvient Françoise Calabro, directrice de l’agence de conciergerie à Grenoble sous l’enseigne YourHostHelper. Depuis, la tendance a été revue et certains voient cela comme une bonne nouvelle car cela permettrait de réguler le marché. » D’après les experts du secteur, il faudrait que les prix atteignent une baisse record de 10% pour que le marché se régule et redevienne accessible aux ménages les plus modestes.
L’inflation contribue également à l’augmentation des taux d’intérêt et plonge chaque jour de plus en plus de français dans la crise. Toujours selon l’étude de Meilleurs Taux, seuls 56% des dossiers reçus sont finançables en mars 2023. Ils étaient 70% en 2021. Les banques se montrent en effet très difficiles et obtenir un prêt immobilier est quasiment impossible sans avoir des fondations solides. Les experts les plus optimistes n’envisagent pas de détente sur le front des taux avant la seconde moitié de 2024. Il va donc falloir se montrer patient.
Quelles sont les raisons de l’augmentation des prix de l’immobilier ?
Si le marché immobilier subit une crise importante depuis plusieurs mois, ce n’est pas uniquement à cause de l’augmentation des taux d’intérêt, qui découlent eux-mêmes de la crise globale. L’OAT 10, ou le taux d’emprunt proposé à l’État qui redistribue ensuite les fonds à la Banque de France a subi cette dernière année une augmentation spectaculaire. Pour pouvoir réaliser un bénéfice sur la somme empruntée par les particuliers et investisseurs qui souscrivent à un crédit immobilier, les établissements bancaires sont contraints de réviser leurs taux d’intérêt.
La conjoncture actuelle, sur fond de tensions géopolitiques avec la guerre en Ukraine, mais aussi la crise énergétique, l’inflation et l’augmentation du coût de la vie n’arrangent pas les choses, comme le constate Françoise Calabro, directrice de l’agence YourHostHelper de Grenoble : « c’est difficile pour tout le monde de se projeter. Les banques ont du mal à faire confiance, et même les demandeurs ont du mal car le nombre de demandes de crédits immobiliers est aussi en baisse ». En effet, que ce soit dans le neuf ou dans l’ancien, les projets se font de plus en plus rares. On n’ose plus emprunter par peur de crouler sous les dettes.
La hausse des taux d’intérêt et les conditions d’accès strictes ont des effets dévastateurs sur le marché des crédits immobiliers. Le nombre de crédits accordés est en chute libre depuis début 2022, ce qui affecte le marché de l’immobilier dans son ensemble. La situation économique générale ne semble pas s’arranger en 2023, ce qui pourrait aggraver la situation. Les acteurs du marché de l’immobilier devront donc faire preuve de créativité pour trouver des solutions afin de relancer l’activité. Une amélioration n’est donc pas à espérer dans l’immédiat.
Un effondrement du marché de l’immobilier à prévoir ?
De nombreux économistes tirent la sonnette d’alarme et annoncent d’ores et déjà un retournement du marché de l’immobilier. Certains parlent de krach immobilier digne des années 90 avec une baisse des prix de 30% à 40%. A l’inverse, d’autres pensent que la situation est différente, le marché étant animé selon eux par des achats d’utilisateurs et la demande stimulée par la pénurie de biens. « Ce qui est évident, c’est que le marché ne s’en sortira pas totalement indemne, analyse Françoise Calabro de l’agence YourHostHelper de Grenoble. Cette crise risque de durer encore quelques années, avec des conséquences qui ne seront pas ressenties dans l’immédiat mais sur le long terme ».
Pour d’autres, il est bon de rappeler que le marché connaît sa première baisse après plus de 25 ans d’augmentation. Mais finalement, est-ce que cela peut régler le problème des logements en France ? « C’est compliqué de se projeter, pense Françoise Calabro. Si les prix de vente évoluent, les loyers ne baissent pas pour autant, ce qui est compliqué pour les locataires et notamment les plus jeunes. » On sait qu’il n’est pas facile de passer de locataire à propriétaire. Mais même une baisse des prix, quand les taux montent, ne devrait pas modifier pas radicalement la difficulté pour les candidats acheteurs. Pour constater un vrai changement au niveau des prix de l’immobilier, il faudrait que l’ensemble de l’économie française s’effondre, ce que personne ne souhaite, car la situation serait encore plus catastrophique qu’elle ne l’est actuellement.